• Elisabeth Badinter. Cela ne peut plus se régler dans le pacifisme

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    Pour la philosophe, la guerre contre les islamistes est empêchée par la peur mais aussi par la démagogie d’une certaine gauche, qui prétend à tort défendre les musulmans.

     

    L’Express : En 1989, vous co-signiez une tribune retentissante au moment de l’affaire de Creil (trois jeunes filles y refusaient d’ôter leur foulard en classe) pour enjoindre les profs à résister face aux prétentions islamistes. Imaginiez-vous, alors, qu’on en arriverait là ? 

    Elisabeth Badinter : Bien sûr que non. En 1989, on ne parlait pas encore d’islamisme, et très peu d’islam. Avec cet appel, nous avons sonné la première alarme. Dans ce texte écrit à cinq, Régis Debray a eu une formule formidable en se demandant si l’année du bicentenaire allait représenter le « Munich de l’école républicaine » – il parlait alors de l’attitude du ministre de l’Education nationale Lionel Jospin. On nous l’a vivement reproché, au PS comme dans la gauche en général. Mais trente et un ans plus tard, nous assistons vraiment à la défaite de l’école républicaine, de la façon la plus violente et ignoble qui soit. Voici le résultat d’une succession de soumissions aux exigences islamistes. A l’époque de Creil, il a suffi de trois gamines pour faire reculer l’école publique et laïque. C’était le signal envoyé aux islamistes, à qui l’on disait : « la voie est ouverte ». Notez qu’à l’époque, elles étaient déjà instrumentalisées par leurs parents et par l’islam politique. D’ailleurs, c’est l’intervention du roi du Maroc Hassan II qui a sifflé la fin de l’affaire. Leur entourage n’a pas obéi aux lois de la France, mais au souverain descendant du prophète. Avec cette seule pichenette, la République a vacillé. Ensuite, les islamistes ont pu avancer.  

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    « Le droit à la différence qui vous est si cher n’est une liberté que si elle est assortie du droit d’être différent de sa différence », écriviez-vous dans cette adresse à Lionel Jospin. Est-ce ce droit d’être différent de sa différence qu’enseignait Samuel Paty, et ce pour quoi il a été décapité ?   

    Oui et non. Oui, parce qu’il enseignait la liberté d’expression et le droit au blasphème, et c’est bien ce qui a provoqué cette protestation du père d’une élève – qui n’avait d’ailleurs pas assisté à ce cours. Mais vous aurez peut-être noté que Samuel Paty avait proposé aux élèves musulmans qui le souhaitaient de sortir de la salle s’ils étaient choqués par ces caricatures. Je le comprends, parce que la pression est devenue insoutenable. Il a fait le maximum de ce qu’il pouvait faire, mais ce maximum-là implique désormais de prendre en compte les particularismes où ils n’ont pas lieu d’être. Alors que vingt ans plus tôt, il n’aurait jamais été question de tout cela. A l’école, quand on évoquait par exemple la Shoah, on n’aurait jamais offert la possibilité de sortir pour ne pas heurter les sensibilités. 

    « S’il faut protéger les musulmans, c’est bien de l’islamisme, et non pas de la République française ! »

     

    En 2007, vous témoigniez lors du procès des caricatures. Alors que l’équipe de Charlie Hebdoétait d’humeur joyeuse et potache, vous sembliez la seule soucieuse…   

    Je ne pouvais pas imaginer qu’on allait tuer tous ces journalistes et dessinateurs, mais je me disais qu’ils prenaient un risque immense. Quand je suis sortie du tribunal après avoir témoigné pour Charlie Hebdo, des barbus islamistes attendaient dehors et ne me regardaient pas avec tendresse. J’ai senti leur colère. L’atmosphère était lourde. Et c’est devant eux que j’ai exprimé toute mon inquiétude.  

    LIRE AUSSI >> Enquête sur les blocages et les manques du projet de loi sur le séparatisme 

     

    Selon Boualem Sansal, la France ne comprend toujours pas qu’elle a affaire non à des « terroristes fichés S ou pas » mais à une « guérilla qui veut prendre les dimensions d’une guerre totale ». Le dernier attentat peut-il être un tournant dans une prise de conscience ?  

    On a l’impression que cet assassinat de Samuel Paty, tellement insoutenable, est « celui de trop » pour la population. Non que les attentats d’avant soient moins atroces, bien sûr, mais symboliquement et visuellement, on a encore franchi un cap. Je pense sincèrement que l’immense majorité de la population française n’en peut plus. Elle s’est longtemps tue, mais là c’est trop. Les voix pourraient s’élever, en plus grand nombre, contre l’islamisme. Mais il y a toujours cette extrême gauche « élargie », qui ne cesse de ramener le débat à la stigmatisation des musulmans, jusqu’à refuser de prononcer le mot « islam » ou même celui d' »islamisme ». Elle déboussole les gens, les intimide en insinuant que leur rejet légitime de l’intégrisme serait en réalité suspect. On pouvait au départ penser que cette gauche défendait sincèrement la tolérance et l’antiracisme. Mais qu’elle en soit toujours là aujourd’hui est une preuve soit d’aveuglement, soit d’électoralisme. Lutter contre l’islamisme revient, pour eux, à être lepéniste. Que n’ai-je entendu cet argument, « vous faites le jeu de Le Pen »…  

    S’il faut protéger les musulmans, c’est bien de l’islamisme, et non pas de la République française ! Selon différentes études, près de 30 % des musulmans font passer ouvertement leur religion au-dessus de la République, mais cela n’inquiète pas grand monde à gauche. On préfère taire cette situation. Une grande partie de la gauche, à l’image de Ségolène Royal, n’a pas non plus été pro-Mila. Nombre de néo-féministes, plus jeunes, ne se sont guère émues de la situation de cette lycéenne qui n’a agressé personne. Ce qui signifie qu’elles aussi, proches des groupuscules radicaux, ont choisi le camp des islamistes plutôt que de préserver la liberté d’expression. Vous savez, j’en veux beaucoup à cette gauche-là. Des journaux ont fait la publicité des thèses indigénistes qui pourtant ne représentent pas grand-chose en nombre. Cette publicité peut avoir un effet culpabilisant pour l’opinion publique, de bonne foi, qui se dit « oui, il faut lutter contre les stigmatisations et le racisme ». Personne n’a envie d’être les méchants.  

    Les réseaux sociaux sont une fois de nouveau pointés du doigt. Faut-il encore d’une loi pour restreindre la liberté d’expression ?   

    Nous ne sommes pas aux Etats-Unis où, du fait du Premier amendement, les discours haineux ont peu de limites. Je trouve la proposition de Xavier Bertrand raisonnable, à savoir que tous ceux qui s’inscrivent sur les réseaux sociaux devraient fournir leur véritable identité, quitte à prendre ensuite un pseudonyme. C’est peut-être une bonne idée. Car là, il est trop facile d’y faire des menaces de mort, à l’image de ces textes dégoûtants que l’on envoie à Mila.  

    « C’est une guerre que nous devons mener, mais je ne suis pas certaine que les Français y soient prêts »

    Pour la suite des événements, êtes-vous optimiste ou pessimiste ?  

    Je ne vois pas comment je pourrais être optimiste. Cela fait trente ans que je suis de près ces sujets, et cela va de plus en plus mal. Il faudrait changer les lois, organiser une guerre idéologique mais aussi législative contre les islamistes. Et cela ne se ferait pas sans des répliques terribles de la part du camp adverse. De nouveaux attentats, plus nombreux, plus sanglants. Cela ne peut plus se régler dans le pacifisme, car c’est allé trop loin. C’est une guerre que nous devons mener, mais je ne suis pas certaine que les Français y soient prêts. Non seulement parce qu’ils peuvent avoir peur, ce qui est compréhensible, mais aussi parce que les islamistes vont crier à la dictature à la moindre mesure les ciblant. A nouveau, une partie de la population se dira que, peut-être, on exagère la menace. Nos adversaires vont jouer là-dessus, avec la complicité de leurs alliés à gauche, que ce soit une bonne partie des Insoumis, comme dans les universités où des clusters vont développer cette argumentation victimaire. 

    Appelez-vous toujours les profs à ne pas « capituler », comme en 1989 ?   

    Je trouve que ceux qui ne sont pas sur le terrain avec les profs d’histoire ou de philosophie, mais parlent depuis leur fauteuil, n’ont pas à donner de leçons. Bien sûr, on voudrait que les enseignants ne cèdent en rien, mais on ne souhaite pas non plus de nouveaux drames. Il ne peut y avoir une protection policière pour chaque professeur. Je ne dis pas qu’aborder la question des caricatures ou du blasphème créerait des problèmes dans tous les collèges ou lycées de France, mais on sait que dans un certain nombre d’établissements, cela ferait des remous.  

    Moi-même, je me suis posée la question de ce que je ferais à leur place, puisque j’ai été prof en lycée pendant cinq ans. Ma conclusion, c’est qu’il est extrêmement courageux de continuer à enseigner le droit au blasphème face à des élèves de plus en plus susceptibles sur ces questions. Je ne me sens donc pas le droit d’exiger des enseignants une telle chose. C’est à l’Etat désormais de leur permettre de le faire. 

    Vous qui passez votre vie dans votre cher XVIIIe siècle qui a vu émerger les Lumières et le droit au blasphème, n’êtes-vous pas sidérée qu’on en soit encore là aujourd’hui ?   

    Alors que je témoignais au procès des caricatures en 2007, je lisais tous les matins la correspondance de Voltaire. Je me disais « ce n’est pas possible, nous n’avons quand même pas régressé de 250 ans ! » C’est fou, non ? Cela fait froid dans le dos. Mais qui connaît encore aujourd’hui le chevalier de La Barre ? 

     

    Pour la première fois je suis allée voir des

    " caricatures de l'église " J'avoue que tout cela me fait peur

    mais, je veux tout de même dire que pour Samuel Paty

    je vais mettre deux ... caricatures 

     

    Placide - Un pape François peut en cacher un autre - 14 Mars 2013 - Les  dossiers de Placide - dessins de presse - chaque jour un dessin d'actualité  sarkozy chirac busch

     

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    « Les dernières paroles du p. Hamel victime du terrorisme.ILS ONT DONNE LEUR SOURIRE !!! MERCI 0;-) »
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  • Commentaires

    7
    Jeudi 22 Octobre 2020 à 12:07

    Je fais parti de cette "gauche élargie" que vous vilipendez, madame, et je  m'honore de combattre la stigmatisation des musulmans. Je vous mets au défi de prouver que nous refusons de prononcer les mots "Islam" ou "islamisme". Seulement nous ne confondons pas l'islam extrémiste de l'assassin de Samuel Pary à l'islam tolérant, comme nous ne confondons pas le Christianisme de la Saint-Barthélemy aux catholiques prêchant l'amour de leurs prochains. J'adore mon pays, LA FRANCE si bien chantée par Jean Ferrat. Entre autre:

    Picasso tenant le monde au bout de sa palette

    Des lèvres d'Eluard s'envolent les colombes

    Ils n'en finissent pas les artistes prophètes

    De dire qu'il est temps que le malheur succombe

    Ma France.

    Avec ma grande considération, car d'autre part, je vous admire.

     

     

    6
    Mercredi 21 Octobre 2020 à 11:13

    autant   je   n'aime   pas   son  mari   copain   de   l'ex  Mittérand,   autant  je  suis    d'accord   avec   son   épouse   qui   a  compris   le  danger    de   se  soumettre  face   à la peur   islamiste !

    Par   lâcheté  les  politiques   se  sont    soumis,    hélas,    on   voit   qu'en   fait,   ils   ont  juste  préparé   la    guerre !

     Passe   une  bonne   journée

     Bisous

      • Mercredi 21 Octobre 2020 à 11:31

        Et bien Pierre, je ne la connaissais pas tellement bien

        mais j'ai été impressionnée pas son regard pointu en politique

    5
    Mercredi 21 Octobre 2020 à 10:15

    La peinture du jour

    Bonjour Ana,

    cet assassinat provoque bien des réactions de tous les côtés..

    J'espère que Justice sera faîte pour sanctionner ce crime odieux.

    Bonne journée chère petite amie, gros bisous

      • Mercredi 21 Octobre 2020 à 11:33

        Oui, mais comme on peut voir parfois, d'un mal peut

        sortir un bien. Dans ce cas de figure c'est le cas 

        malheureusement pour notre cher Mr Paty qui a ouvert un débat

        et on apprend bien des choses que seul les initiées savaient.

         

    4
    Mercredi 21 Octobre 2020 à 00:39

    Coucou ma Nani chérie,

    Tous comptes faits, je te mets ce bout de message … car nous ne sommes pas ruinés.Mais ça duré assez longtemps car il y avait beaucoup d’éléments à prendre en compte (lol)

    Je ne vais pas t’écrire longtemps car il es tard.Aussi je regarde bien ton article et puis je vais aller me coucher. Oh on ne peut s'infuser la lettre de Mme Badinter en vitesse, je n'ai pas le temps maintenant ni après car demain débarquent mes poitevins et je serai prise pendant qq jours.

    Douce nuit et gros bisous … portes-toi bien et fais de beaux rêves

     

     

     

      • Mercredi 21 Octobre 2020 à 11:35

        Et bien Sylvie j'apprend bien des choses que je ne

        comprenais pas avant.

        Je te souhaite des beaux moments avec tes enfants et petits 

        enfants !

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